Natures de l'esprit et de la conscience


À la suite de mon article précédent traitant de l’ego, je souhaite m’arrêter un instant sur la notion de l’expérience de soi-même et de la nature de notre esprit.
En effet, après ce que j’ai exposé quant aux conditions d’expérience et notre propre perception égotique, au final, qui observe en moi-même ? Puisque je peux me figurer une idée de moi-même et de mes propres variations, cela signifie que, d’une certaine façon, je m’observe moi-même comme un élément coexistant, c’est-à-dire à la fois familier et étranger, une forme différente des essences qui me composent. Comment est-ce possible ?
Tout d’abord, comprenons que ce que nous pouvons nous figurer consciemment de nos expériences provient justement de notre conscience. Nous sommes incapable de nous figurer à volonté ce qui n’est pas accessible à notre conscience. Les cellules de notre corps, par exemple, observent des choses, au moins au sens métaphysique du terme. Elles sont sensibles au monde et nous les reconnaissons généralement comme faisant partie de nous. Nous sommes cependant incapables de dire à quoi ressemble exactement ce qu’elles éprouvent. Et il en est de même pour bien des choses que nous estimons faire partie de ce qui nous définit.
Quelle est donc cette conscience qui semble à la fois faire partie de nous-mêmes et en être extérieure ? Cette conscience qui, notamment, nous permet d’identifier notre propre ego et nous permet aussi de nous interroger sur notre maximalité et notre minimalité, c’est-à-dire les limites de notre être.
Rappelons-nous d’abord que tout ce que nous identifions comme nous-mêmes est, par le jeu de la coexistence, à la fois part de nous et d’autre chose. Tout ce qui est absolument « nous » ou « non-nous » nous demeure inobservable.
Cette conscience, cette focalisation attentive pourrait-on dire, doit donc nécessairement représenter une partie restreinte de notre être pour être capable d’observer certaines de nos dimensions. À quel point est-elle restreinte ? Il est impossible de le déterminer avec certitude car non seulement cela semble variable entre les personnes mais cela semble aussi variable en fonction des contextes.
Nous pouvons, par exemple, prendre conscience de quelque chose à un moment donné de notre vie. Cette chose pourrait être bien plus infime et particulière que ce que nous imaginions notre conscience capable de considérer. On peut prendre l’exemple d’un phénomène qui se produit dans nos organes, d’une spécificité émotionnelle circonscrite à des conditions très spécifiques, etc.
Mais le chemin inverse est aussi possible, nous pouvons perdre conscience de certaines choses pourrait-on dire, parfois volontairement, souvent involontairement, comme lorsque l’on oublie quelque chose.
En définitive, notre esprit semble être structuré comme suit :
notre volonté, immédiate, qui me permet d’écrire ces mots par exemple mais qui peut aussi nous amener à effectuer des choix et des actions de façon inconsciente
notre conscience, immédiate et contrôlable par la volonté dans une certaine mesure
notre mémoire, partiellement accessible à notre conscience, volontairement ou non
notre inconscient, inaccessible volontairement à notre conscience
notre subconscient, espace transitoire entre la conscience et l’inconscient
Toutes ces dimensions de notre esprit sont en relation permanente et il convient d’y ajouter les facteurs extérieurs (contextes). J’ai réalisé un schéma pour plus de clarté.

Il est très important ici de comprendre que la volonté et la mémoire possèdent une dimension inconsciente et une dimension consciente. Sans cette compréhension, il est impossible d’interpréter correctement un grand nombre de phénomènes psychiques.
De nombreux conflits qui touchent presque chacun d’entre nous et sont pour certains particulièrement difficiles à vivre prennent place dans la volonté qui, parce qu’elle possède une dimension consciente et une autre inconsciente, peut formuler des intentions contradictoires.
Je vais donner un exemple : une personne a été élevé dans un contexte chrétien austère où toute velléité d’enrichissement est considérée comme un péché. Cette personne, arrivée à l’âge adulte, a changé d’avis sur la question et souhaite désormais créer sa propre entreprise, en partie pour gagner de l’argent et vivre plus confortablement. Cependant, elle se heurte systématiquement à des problèmes financiers. Dans son cas, cela peut tout à fait provenir d’un autosabotage dont elle est elle-même l’auteur. Cet autosabotage a suivi le chemin suivant : facteurs extérieurs et volonté enjoignant à rester pauvre, mémorisation du péché de richesse, élaboration de mécanismes inconscients respectant cette valeur, influence inconsciente sur la volonté.
Ainsi, même en réactualisant sa conscience sur le sujet, cette personne peut continuer d’œuvrer inconsciemment à l’inverse de ce qu’elle souhaite réaliser. Il ne s’agit pas en l’occurrence de quelque chose qu’elle subirait tout à fait mais bien un ensemble d’actions qu’elle met en œuvre elle-même. Cependant, puisque cela se passe au niveau inconscient, cette volonté de pauvreté entre en conflit direct avec sa volonté consciente d’enrichissement.
Fort heureusement, quand il s’agit de question psychologique, tout est possible en théorie et notre inconscient lui-même est tout à fait capable de se réactualiser, même lorsqu’il s’agit de contredire des mécanismes passés. Cela peut d’ailleurs se faire aussi bien à travers la conscience que l’inconscient, contrairement à ce que beaucoup de psychologues prétendent. En effet, nos multiples expériences de vie font aussi évoluer notre inconscient sans que nous le sachions et c’est fort heureux (nous serions bien incapables de traiter toutes les informations générées par le fait de vivre).
D’autres questionnements légitimes peuvent nous saisir à la lecture du fonctionnement de l’esprit que je propose (et qui n’est pas une invention particulièrement nouvelle de ma part, simplement une appropriation personnelle de concepts psychologiques qui existent depuis plus d’un siècle et que l’on doit notamment à Pierre Janet, dont les travaux ont été allègrement pillés et dénaturés par Sigmund Freud).
Une première question que l’on pourrait se poser est : quelle est l’ampleur de notre inconscient ?
Eh bien, c’est justement parce qu’il s’agit de notre inconscient qu’on ne sait pas exactement où il commence et où il finit, tant et si bien que selon les théories proposées par les chercheurs et les penseurs, cela peut aller de choses aussi restreintes que la sexualité à des considérations mystiques d’omniscience.
Je pense pour ma part que notre inconscient est à la fois le siège de phénomènes psychiques importants, qui restent cachés pour des raisons de préservation de la personne (protection égotique) et de limitations de capacités réflexives (économie d’énergie et de capacité d’analyse) et qu’il est à la fois, comme je l’indique sur mon schéma, influencé en permanence par des éléments extérieurs et que, parmi ces éléments, se trouvent des choses bien plus vastes et variées que ce que l’on imagine habituellement. Nous sommes, par exemple, constamment traversés par des neutrinos (des particules d’origine stellaire qui traversent la matière assez facilement). Pour le moment, nous n’avons pas pu prouver scientifiquement, à ma connaissance, que ces neutrinos aient une influence particulière sur notre être mais il se pourrait que cela soit le cas de façon inconsciente. Qui sait ?
Aussi, puisque la mémoire, tout comme la volonté, possède une dimension inconsciente, nous ne sommes pas sûrs de connaître véritablement l’ampleur de notre mémoire. Peut-être est-elle infiniment plus vaste que ce que l’on imagine habituellement, comme lorsque nous nous remémorons tout à coup un souvenir lointain que l’on pensait depuis longtemps oublié.
Quant à notre conscience, pour revenir à l’une des questions que je pose ici, nous voyons sur le schéma qu’elle ne représente qu’une partie de notre esprit et possiblement une partie assez petite.
D’ailleurs, il est assez difficile de distinguer ce qui est réellement de l’ordre de la conscience (phénomène immédiat) de ce qui est de l’ordre de la mémoire (phénomène rémanent). En effet, même si cela ne dure qu’un millième de seconde, l’enregistrement d’une information reste un enregistrement et donc un phénomène mémoriel, non un phénomène de conscience. Et le fait que cet enregistrement soit bel et bien accessible à volonté ne peut être vérifié que par une action immédiate de conscience. Si cette action n’est pas effectuée, il est impossible de s’assurer que le souvenir soit accessible ou non et notamment s’il fait désormais partie de la dimension inconsciente de notre esprit.
Nous pouvons cependant postuler théoriquement l’existence de la dimension consciente de notre esprit, dont la teneur véritable est invérifiable par nature puisqu’elle requerrait une capacité d’attention simultanée et exhaustive dont nous sommes manifestement incapables, et l’existence d’une capacité d’attention consciente, qui est réellement ce qui m’intéresse ici (et que je souhaite distinguer des attentions inconscientes, qui sont absolument indubitables mais dont la teneur nous échappe).
En cela, parce qu’elle est capable de se concentrer en théorie sur n’importe quoi, notre capacité de découverte de nous-mêmes est donc, à l’exception d’elle-même, potentiellement infinie et concerne aussi bien des dimensions très spécifiques de notre individualité égotique que des dimensions supra-individuelles et pour certaines universelles.
Notre attention consciente ferait donc partie de ces choses qui sont tellement absolument nous que nous ne pouvons qu’en dessiner les contours mais nous ne pouvons réellement affirmer de quoi il s’agit, bien que nous puissions affirmer par approximation qu’elle possède en elle-même une infinité d’essences (sans quoi nous ne pourrions avoir conscience de rien).
J’imagine d’ailleurs souvent à ce propos cette attention consciente comme une lampe torche dans une pièce plongée dans le noir et dans laquelle se trouve des milliers d’objets. Grâce à notre volonté, nous pouvons diriger le faisceau de notre lampe sur certains espaces précis mais nous ne pouvons pas le faire partout en même temps. Aussi, on aura beau tourner notre lampe torche dans tous les sens, il nous sera impossible d’éclairer la lampe torche elle-même, puisque c’est elle qui projette le faisceau.
L’inconscient dans ce cas correspondrait à d’autres pièces dont les portes sont fermées. Les clés de ces portes se trouvent peut-être pour certaines dans le capharnaüm des autres pièces accessibles à notre conscience mais il est aussi possible qu’on les trouve en dehors de la maison (les facteurs extérieurs).
Le subconscient ressemblerait un peu à un trou de serrure par lequel on peut regarder vaguement ce qui se trouve du côté de notre inconscient sans pour autant en avoir le cœur net.
La métaphore s’arrête là cependant, car elle ne rend pas compte de l’ensemble de nos mécanismes psychiques, c’était simplement une façon d’imager quelque peu mon propos.
Pour en revenir à l’attention consciente, c’est cette double nature de phénomène à la fois intimement éprouvé mais inconnu en substance qui a conduit de nombreuses personnes à y associer tout un tas de concepts et notamment celui de Dieu, ce qui revient en fait à l’explication d’un inconnu par un autre. Notre conscience de notre expérience de l’existence serait ainsi la plus claire des présences de Dieu en nous, un reflet partiel de son omniscience.
J’ai, à ce sujet, un avis un tantinet plus précis. J’ai dit précédemment que notre attention consciente nous est impossible à définir précisément mais que sa capacité d’observation du monde est telle qu’elle a probablement en elle une infinité d’essences. Cette disposition nous rend capables de consciemment reconnaître des formes qui nous sont propres ou extérieures mais qui montrent toutes une familiarité autant qu’une étrangéité à notre conscience. Cela tend à suggérer que cette conscience n’est pas directement la trace de la présence de Dieu en nous mais celle de la présence de Dieu le Père, soit l’archétype masculin absolu, l’essence des essences. En effet, puisque celui-ci représente la totalité des essences, il n’est pas impossible que sa présence en nous prenne la forme de l’attention consciente et ait notamment pour fonction de déterminer les contours de notre conscience, ce qui incluent les dimensions conscientes de notre volonté et de notre mémoire.
Si c’est bien le cas, alors il est impossible de définitivement trancher sur le potentiel véritable de notre conscience. Sur ce point, il semble cependant intuitivement évident que notre condition humaine peut constituer en elle-même une limite à l’extension des choses sur lesquelles notre conscience peut se focaliser. Ainsi, plus notre lecture du monde s’étend, s’approfondit et se clarifie, plus elle suggère une nature qui nous éloigne de notre condition humaine telle qu’on la conçoit généralement. Cette théorie nourrit d’ailleurs souvent notre imaginaire avec cette idée que nous pourrions atteindre de nouveaux états d’existence par le recours à la sagesse (équivalente à une augmentation du nombre d’informations que notre conscience peut atteindre à volonté).
Enfin, dans un registre plus prosaïque et puisque tout prendre pied dans une forme (comme je l’expliquais dans mon article sur le sujet), où peuvent bien se trouver ces dimensions de notre esprit que je décris sur le schéma ? Sont-elles dans notre cerveau uniquement ou bien siègent-elles en partie ailleurs ?
Sur ce point, je pense qu’il y a deux choses à considérer attentivement. Tout d’abord, de nombreuses études scientifiques montrent à quel point des altérations cérébrales physiques provoquent des altérations significatives de notre psyché. On voit par exemple que notre capacité à nous remémorer certains souvenirs peut être affectée par des maladies ou des accidents. Les neurologues ont même commencé depuis des décennies à cartographier notre cerveau pour essayer de déterminer de quoi sont responsables les différentes portions de celui-ci.
Cependant, il ne faut jamais manquer dans ce domaine de travailler notre épistémologie. En effet, dans les sciences, il y a de tout et de nos jours, il y a surtout n’importe quoi (pour des raisons que j’expliquerai dans un autre article). Cela veut dire que si certaines études scientifiques sont très intéressantes sur le sujet du rôle du cerveau dans notre psychisme, certaines d’entre elles sont tout de même parfois très réductrices et notamment parce que le postulat de l’assimilation de l’esprit au cerveau est totalement admis comme dogme.
Pour illustrer cette idée, je prends souvent l’exemple des phénomènes hallucinatoires. Pour la science officielle, ces phénomènes prennent place dans le cerveau seul et même dans le cas d’une isolation trop grande de certains espaces cérébraux. Ainsi, le cerveau créerait lui-même des stimuli apparemment extérieurs mais qui, en réalité, ne le sont pas. La même conclusion est souvent tirée des expériences de mort imminente et de décorporation.
Dans la sémantique que je propose, cela signifierait que les hallucinations sont la résultante d’interprétations particulièrement erronées de stimuli endogènes au corps.
Cependant, il y a un problème de méthode ici, que peu de gens observent d’ailleurs. En effet, les chercheurs ne sauraient conclure de façon différente sur ce sujet puisqu’ils partent du principe que c’est dans le cerveau que l’explication des hallucinations doit se trouver. Voyez-vous la tautologie d’une telle approche ? En effet, comment pourraient-ils démontrer que les hallucinations sont bel et bien des traductions de phénomènes réels s’ils ne les cherchent pas là où elles semblent se trouver ?
En se limitant systématiquement à la sphère cérébrale, les chercheurs concluent à des phénomènes d’origine cérébrale. Formidable. C’est comme si je concluais que la chute dans une mare du caillou que j’ai lancé venait forcément du fait que la caillou avait sauté de lui-même dans la mare, puisque je n’ai à aucune moment tenu compte d’un quelconque potentiel lanceur extérieur au caillou. Si je pousse cette idée jusqu’à l’absurde, on en vient à penser que ce n’est pas le caillou qui est tombé dans la mare mais la mare qui a foncé sur le caillou !
Le fait que certaines zones du cerveau soit actives en cas d’hallucination est assez attendu mais il est en revanche possible que l’activation de ces zones soit la résultante de phénomènes que nous n’avons tout simplement pas encore découverts et démontrés scientifiquement. Est-ce si difficile à envisager ? Le fait que des millions de personnes dans le monde parlent de phénomènes fantomatiques est-il un phénomène cérébral seulement ou bien le signe de phénomènes physiques que nous ne sommes pas encore parvenus à expliquer scientifiquement ?
Par ailleurs, en termes de mémoire, il a été observé en conditions scientifiques depuis un certain temps déjà que l’eau semble effectivement capable de retenir une mémoire de nature vibratoire. Cette nature vibratoire est liée aux molécules mais se situe à un autre niveau : elle ne semble pas directement observable dans la structure classique des particules. C’est probablement un phénomène ondulatoire qui possède des propriétés et peut apparaître comme disparaître en fonction de son interaction avec l’environnement. En songeant au fait que notre corps est largement constitué d’eau, on peut légitimement s’interroger sur les emplacements physiques de notre mémoire. Si elle semble en effet en partie située dans notre cerveau, ne peut-elle pas également se trouver dans les molécules d’eau qui nous composent ? Et puisque ces dernières vont et viennent de notre corps, ne sont-elles pas aussi possiblement responsables de certains apprentissages comme de certains oublis ?
Et il en est de même pour notre volonté dont la dimension consciente semble bel et bien cérébral mais dont la dimension inconsciente semble tantôt cérébrale tantôt située ailleurs dans notre corps. En effet, que dire de la capacité d’autoréparation de nos cellules par exemple ? Ou bien du fait que ce que nous mangeons puisse avoir un effet aussi spectaculaire sur notre humeur et donc notre volonté ?
Une autre façon de comprendre tout cela et de comprendre du même coup qui nous sommes est de nous considérer comme une projection individualisée de Dieu rendue possible par une symbiose avec les composants de la réalité. Ainsi, les différents éléments de notre être et notamment de notre corps seraient eux aussi des formes d’existence identifiables dans leur propre contexte et qui formeraient, dans leurs interactions symbiotiques : nous. Une cellule de notre corps serait ainsi autant un morceau de notre corps qu’un être complet en interaction avec son environnement, doté d’une durée de vie, d’une capacité sensible et d’une capacité d’influence, tout comme nous. Peut-être même qu’il possède une forme d’esprit similaire au nôtre, avec ses dimensions conscientes et inconscientes, ce n’est pas exclus.
Ce qui provoquerait le sentiment d’expérience serait ainsi à la fois notre lien à Dieu et la combinaison synergique des composants de notre être, et parmi ceux-là la quasi totalité de notre esprit et de notre corps. Ces derniers constitueraient donc le socle de notre individualité et la façon dont notre esprit identifierait celle-ci, avec les approximations que l’on imagine, constituerait notre ego.
Cette explication alternative à notre existence n’est d’ailleurs pas un autre chemin de recherche que je pourrais suivre mais simplement une autre manière de formuler l’explication du phénomène d’existence que j’aborde régulièrement dans mes articles.