Le principe de réciprocité


Dans un article précédent, je rappelais la réalité fondamentale de la conservation des forces et celle de l’équation nulle de la réalité. Ces deux notions signifient tout simplement qu’une action implique une réaction, qu’une force appliquée implique une force contraire équivalente. Cela fait partie des lois de base de la physique newtonienne (c’est la 3ème loi, en l’occurrence).
À savoir que cette loi se retrouve aussi dans les interactions entre les êtres vivants. Au global, elle est strictement respectée, en local, pour l’être vivant individualisé, elle devient en quelque sorte un minimum espéré. Je l’appelle d’ailleurs le principe de réciprocité pour ne pas les confondre, mais il ne faut pas oublier que c’est bien la première qui engendre la seconde.
En effet, dans la nature, tout ce qui comporte une dépense d’énergie (coût) a pour but d’obtenir un résultat au moins un peu supérieur en termes de gain (bénéfice). Si je fais un jardin, c’est parce que j’espère avoir en retour des légumes pour me nourrir et nourrir les miens. Lorsqu’un oiseau mâle construit un nid, c’est parce qu’il espère pouvoir attirer une compagne et avoir des petits. Lorsqu’un castor construit un barrage, c’est parce qu’il espère augmenter suffisamment le niveau de l’eau de la rivière pour y habiter durablement, etc.
S’il me prend de vouloir pousser un gros caillou et que je n’y parviens pas avec ma simple force brute, je ne vais pas insister, car cela reviendrait à gaspiller mon énergie en vain. Je vais donc chercher un autre moyen de pousser le caillou.
Ce besoin de réciprocité est absolument crucial pour comprendre les interactions entre les êtres vivants et parmi ceux-là, les humains. Cependant, il n’est pas du tout limité à des choses prosaïques et matérielles, il faut, pour bien le comprendre, y inclure le vivant dans toute son entièreté. Le fait que je fasse un jardin peut aussi avoir pour rôle de me détendre, de m’aider à penser à autre chose qu’à mes soucis, cela me permet de profiter simultanément de la nature environnante. Le fait que je pousse un caillou fait peut-être partie d’une volonté de ma part de développer ma force et ma musculature, etc.
Comme toujours, c’est l’approche holistique qui est la bonne, car c’est la plus juste, celle qui fait le moins d’impasses.
Puisque nous devinons intuitivement et enregistrons même à des niveaux pré-cérébraux qu’une énergie dépensée constitue en soi un évènement qui possède sa contrepartie, tout le jeu du vivant est de faire en sorte que cette contrepartie soit la plus profitable possible pour celui qui dépense l’énergie en question. Je sais par exemple que les légumes que je produis dans mon jardin peuvent éventuellement être dérobés par une personne qui souhaite s’accaparer le résultat de mon travail au moindre effort. Dans ce cas, le voleur est largement gagnant tandis que je suis largement perdant. Je sais que mon action a engendré une contrepartie mais, malheureusement pour moi, je n’ai pas pu en profiter. C’est donc un échec. À l’inverse, si je réussis à profiter des légumes pour lesquels j’ai travaillé, c’est une réussite.
Il ne faut pas cependant ici commettre l’erreur assez moderne de voir les choses de façon strictement individuelle. Encore une fois : nous sommes des expressions non disjointes de la réalité et disposons donc, en sus de notre identité individuelle, de dimensions supra-individuelles et pour certaines universelles. Le fait par exemple que je puisse profiter de mon jardin n’est pas seulement la résultante de mes efforts, c’est la résultante de mes efforts dans une nature elle aussi pleine d’énergies diverses et notamment celle qui régit la croissance de graines mises en terre et profitant de certaines conditions favorables de germination.
Et je pourrais très bien être heureux du fait qu’une partie de mes récoltes soit mangée par des animaux qui font, comme moi, partie de cette nature. Ici, c’est la dimension animale de mon être qui peut s’en satisfaire, c’est-à-dire une dimension qui me dépasse en tant qu’individu humain mortel. Cependant, je ne pourrais me satisfaire de me retrouver privé de la totalité de mes récoltes. J’ai besoin de réciprocité car je suis aussi un individu.
Toute dépense d’énergie qui n’est pas profitable à un niveau au moins équivalent pour l’être qui l’a dépensée est, dans son contexte total, un échec. Si le retour est équivalent, il s’agit d’une action inutile, et donc une forme d’échec également, en regard du fait que tout être à un temps d’existence limité et qu’il a donc tout intérêt à en profiter pour maximiser ses réussites. Si le retour est au moins un peu supérieur, il s’agit d’une réussite qui peut néanmoins être potentiellement perfectionnée à l’infini.
Ce que l’on peut constater empiriquement dans des milliers de situations, c’est que le vivant non seulement n’apprécie pas l’échec mais, à plus ou moins brève échéance, ne le tolère pas.
Un être qui accumulerait trop d’échecs transactionnels finit toujours par être évincé. Cela signifie qu’il meurt rapidement ou bien que ce qu’il représente n’est pas transmis (stérilité biologique ou stérilité de fait par l’absence d’enfants). Il en va de même pour les idées : si elles n’offrent pas d’avantage quelconque d’un point de vue transactionnel, elles tendent à disparaître rapidement.
Si je pousse jusqu’à l’épuisement mon gros caillou sans parvenir à le déplacer comme espéré, et que je m’acharne à répéter l’opération sans essayer d’imaginer d’autre solution, je vais probablement finir par en mourir ou bien une personne plus intelligente que moi va pouvoir prendre ma place.
Cependant, plus un avantage ou un désavantage est ténu, plus l’apprentissage de la distinction des échecs et des succès risque d’être lente. En effet, à intelligence égale, les êtres qui appliquent une idéologie qui est seulement un tout petit peu déficitaire au niveau transactionnel mettront censément plus de temps à s’en rendre compte et à l’abandonner que si l’idéologie est franchement déficitaire. Bien entendu, plus une personne ou un groupe de personnes est intelligent, plus la prise de conscience de la qualité des solutions trouvées sera rapide.
Ce qui peut rendre toutes ces notions particulièrement subtiles est également la dimension spirituelle des existences, qu’il ne faut pas oublier. En effet, si l’on se contente de tout penser de façon matérielle, nous nous heurtons rapidement au mur de la spiritualité.
Et de fait, d’un point de vue matériel strict, comment expliquer, par exemple, les dépenses énergétiques d’un alpiniste qui, de surcroît, risque régulièrement sa vie pour vivre sa passion ?
Si l’on tient compte des résultats matériels purs, cela semble délirant. Cependant, l’humain n’est pas qu’un amas biologique qui rationalise en permanence sa survie, n’en déplaise à tous ceux qui le pensent et le professent, ou tout du moins, certains humains ne le sont clairement pas. Le fait par exemple de devoir donner un sens à sa vie est vécu pour beaucoup de personnes comme une transaction positive : « J’ai mis cinq ans à préparer ce tour du monde en voilier mais ça valait vraiment le coup ! »
Ces personnes ne sont pas nécessairement des égarements biologiques à la gestion transactionnelle catastrophique mais plutôt des êtres humains en quête de sens dans leur vie. D’ailleurs, hors de leurs passions, ces personnes peuvent être tout à fait efficaces. C’est donc que l’explication est ailleurs et concerne des besoins qui dépassent la stricte sphère de l’optimisation de la survie, a fortiori individuelle.
À remarquer que ces personnes sont invariablement des hommes. Les femmes, elles, tendent à favoriser leur propre existence en permanence et s’il arrive qu’elles imitent les hommes dans certaines activités (notamment sportives), elles le font dans une optique de consommation de l’expérience pour elles-mêmes, c’est-à-dire dans une optique de jouissance (peu importe sa nature). Une femme qui meurt de ses passions le fait par inadvertance, car le sacrifice n’est jamais un but pour elle mais la conséquence d’une surestimation de ses capacités. Elle trouve le sens de sa vie dans l’identification des appétits qui la taraudent le plus, c’est-à-dire en circonscrivant ce dont elle veut jouir en priorité. Mourir, se sacrifier, revient pour elle à directement renier sa nature féminine car, morte, elle ne pourrait alors plus jouir.
L’homme, de par sa nature centrifuge, adopte une autre approche pour peu qu’il ne soit pas totalement identifié à son égo. L’idée de sacrifice est pour lui facilement envisageable pour peu qu’il ait la certitude que ce sacrifice favorise l’expression des essences qui l’habitent.
Ce qui se trouve dans la balance transactionnelle peut être réellement très varié et tout le talent d’une observation sociologique réussie est justement de déterminer ce qui se trouve dans la balance des gens : ce qui se trouve dans le plateau de leurs dépenses estimées et dans celui de leurs gains estimés. Et, bien que nous partagions quelques points communs entre tous les êtres, ce qui importe réellement pour les uns et les autres est parfois redoutablement subtil ou même carrément inattendu.
Aussi, il faut bien entendre que le jugement de la qualité d’une transaction est contextuelle aux examinateurs. Ainsi, toute transaction n’est pas nécessairement considérée par les protagonistes comme un principe de vases communicants. Il arrive que la transaction soit nettement positive pour les deux parties ou bien nettement négative. Dans le premier cas, on peut parler de synergie, dans le deuxième, d’antagonisme, ou de fiasco.
En théorie, il pourrait exister des situations où tous les êtres de la création trouvent un avantage aux transactions qui les concernent mais la diversité et la complexité du vivant réduisent presque à néant la probabilité que de telles situations se produisent. Car il y aura toujours un être qui convoitera la même chose qu’un autre, du fait que les ressources de son environnement seront limitées et qu’il sera lui-même soumis à son instinct de survie dans la plupart des cas. La nature est ainsi faite.
Cependant, un profit immédiat ne signifie pas nécessairement un profit sur le long terme, de même qu’une apparente synergie peut déboucher sur un antagonisme. Sur ce point, c’est réellement l’exactitude de l’analyse produite par les parties qui va leur permettre de mieux identifier ce qu’elles ont à gagner et à perdre d’une transaction à court, moyen et long terme. C’est cependant très difficile, compte tenu de la complexité des interactions au sein du réel.
C’est d’ailleurs l’une des sources de la paranoïa et cela explique pourquoi les personnes de pouvoir qui sont obsédées à l’idée de le conserver et de le renforcer cherchent en permanence à anticiper tous les évènements possibles, quitte à les provoquer artificiellement pour mieux en contrôler le devenir.
Cette analyse permet de déterminer le devenir d’une idée, notamment politique, et de comprendre comment cette dernière joue sur la balance transactionnelle des individus et des peuples sur lesquels elle souhaite s’appliquer et ce, d’autant plus fortement que son adoption ne va pas de soi.
Car toute tentative de transaction asymétrique génère des ressentiments. En effet, ce n’est pas parce que certaines personnes sont satisfaites d’une transaction que toutes le sont. La satisfaction de certains peut provenir de transactions déséquilibrées en leur faveur, généralement rendue possible par l’application concomitante d’une menace (physique ou manipulatoire). Cependant, ce déséquilibre n’est pas sans conséquence et produit des effets tant immédiats que plus durables. L’Histoire est d’ailleurs pleine à craquer de ce genre de situations qui engendrent une réponse qui engendre une réponse, et ainsi de suite.
Je vais ici donner un exemple. À l’heure actuelle, le féminisme est particulièrement développé en Occident et conquiert peu à peu les autres régions du monde. Ce mouvement idéologique majeur au XXème et XXIème siècles n’a de cesse de demander aux hommes de changer et de s’adapter aux désirs des femmes qui, pour une bonne partie d’entre elles semble-t-il, se sentent flouées dans les transactions qui les concernent. Certains hommes trouvent un intérêt à ce mouvement, d’autres pensent y trouver un intérêt alors qu’il n’en est rien, d’autres n’y trouvent aucun intérêt et d’autres enfin, majoritaires à l’heure actuelle, y voient une dégradation de leur « situation transactionnelle ».
Ce qu’il est important de comprendre ici, c’est que les hommes ne changeront pas pour faire plaisir à qui que ce soit, et il en est de même pour tous les êtres vivants de l’univers. Aucun être vivant n’a d’intérêt à faire d’efforts pour les autres si cela ne lui apporte pas quelque chose en retour, de façon certaine ou supposée.
Jusqu’à présent, le féminisme n’a jamais offert aux hommes de réciprocité véritable. C’est pour cette raison qu’il ne peut s’imposer que par la force : coercitive (judiciaire et policière) et mentale (manipulation, propagande et pression sociale). S’il avait proposé en retour de ses exigences un avantage acquis acceptable pour les hommes (peu importe sa nature), ces derniers auraient sérieusement considéré la question et auraient probablement accédé à certaines des requêtes exprimées et ce, d’autant plus rapidement qu’ils auraient été intelligents.
Cependant, en l’absence d’avantage réel à considérer la question et modifier leurs comportements, les hommes n’ont aucun intérêt à répondre positivement aux desiderata féministes. Et même plus : en présence de désavantages patents, les hommes ont en fait tout intérêt à s’opposer au féminisme.
On peut y voir une injustice terrible, cela ne change rien à la réalité : un être ne se conforme que s’il y trouve une véritable raison de le faire. C’est pour cela que toutes les idéologies qui ne respectent pas un tant soit peu les structures spontanées de la nature ont recours à la force pour s’imposer, c’est une manière de faire pencher la balance à son avantage par la menace. Et c’est ce que le féminisme actuellement met en place et qui était prévisible depuis son origine, pour peu que l’on dispose des bonnes clefs de compréhension.
J’approfondirai dans un article prochain le sujet du féminisme et montrerai la véritable fonction de cette idéologie, les conséquences qu’elle engendre et qu’elle va continuer d’engendrer ainsi que son aboutissement inéluctable.
Bien sûr, il n’existe jamais de système parfait et tous ont leurs défauts et engendrent des frustrations et des reconsidérations. C’est même le propre des êtres matriciels (les femmes principalement et dans une moindre mesure les hommes) que de consommer ces systèmes jusqu’à ce qu’il soit nécessaire que les êtres essentiels (les hommes) les réinventent.
Cependant, il n’est pas possible de réinventer les choses n’importe comment, eu égard à la façon dont la réalité est structurée. Ainsi, plus une idéologie s’écarte des structures d’harmonie de la réalité, plus elle produit de violence et pose les bases de sa propre destruction. Le féminisme en est d’ailleurs une expression puisqu’il se nourrit partiellement de souffrances issues de systèmes dont la réciprocité est et était asymétrique. Si ce mouvement avait réellement recherché la paix, et non le pur profit unilatéral, il aurait pu œuvrer à un rééquilibrage des systèmes transactionnels à partir d’analyses étayées et aurait compris que le problème n’était pas les hommes en tant que groupe ; et même que les hommes sont indispensables aux changements de paradigmes. Il n’aurait d’ailleurs jamais porté ce nom et aurait développé une bien meilleure connaissance des besoins des hommes.
Mais le féminisme n’a rien compris de tout cela et ce mouvement œuvre en fait à poser les bases d’un retour prochain du patriarcat qui, s’il ne recherche pas lui-même la paix mais le pur profit unilatéral également, continuera le cycle de violence.
J’appelle souvent cela le balancier de l’Histoire.
Par ailleurs, le principe de réciprocité s’exprime à toutes les échelles et pas seulement au niveau politique. Les relations de couple répondent par exemple à cet impératif et plus les partenaires ont tendance à vouloir tirer la couverture à soi sans réciprocité, plus ils installent une situation de violence et prennent le risque de briser leur relation. Sur ce point, l’individualisme tend à inciter à des comportements où l’on prend sans donner et le féminisme en est d’ailleurs une expression extrême. Ces situations asymétriques engendrent de nombreuses souffrances qui ne disparaissent pas comme par magie mais génèrent à leur tour des conséquences en chaîne : dépressions, crises de nerfs, maladies, etc. Ces souffrances se transmettent d’ailleurs de génération en génération par la génétique, l’éducation, les interactions sociales, l’inconscient collectif, nos interactions avec la nature, possiblement des mécanismes vibratoires non spécifiquement matériels et certainement aussi par des phénomènes que nous ne connaissons tout simplement pas. N’oublions pas : rien ne se perd ni ne se crée, tout se transforme.
La volonté de faire appliquer une réciprocité équilibrée n’est autre que la justice et cette volonté se retrouve à de nombreux niveaux. Elle est notamment très présente en politique. Cependant, l’erreur extrêmement récurrente chez la plupart des mouvements qui s’en réclament est de l’associer à l’égalitarisme qui présuppose une certaine uniformité des besoins et des capacités des uns et des autres. La nature n’étant pas faite ainsi, ces deux idées combinées ne peuvent produire qu’une extrême violence sociale car alors on cherche à forcer une réciprocité là où il ne peut y en avoir : on demande à certains ce qu’ils ne peuvent donner et on donne à d’autres ce qu’ils ne méritent pas.
La justice véritable ne peut s’obtenir que par une compréhension et un respect profonds des véritables besoins et capacités des uns et des autres. Ce respect ne peut cependant être réellement appliqué que dans la mesure où le pouvoir est entre les mains de personnes qui le souhaitent véritablement, ce qui est rare puisque, pour ces personnes, la tentation est forte de mettre en place des systèmes transactionnels déséquilibrés à leur avantage. J’aurai l’occasion d’y revenir.
Être à même d’observer en soi et de deviner chez les autres le degré d’équilibre des transactions permet de comprendre de nombreuses relations et situations et d’anticiper des crises de toutes sortes. C’est une analyse qui est utile à tous les niveaux de la vie et en ce qui me concerne, je m’en servirai souvent dans mes articles pour aborder de nombreux sujets.