La symbolisation par le langage et la mathématique

Langage et mathématique
Symbolisation par le langage et la mathématique

Il est important de comprendre que l'exercice de pensée est par nature réducteur, puisque la formulation mentale d'une idée, par des mots, des images, des sons ou bien d'autres formes, demande de se départir de l'ensemble des points communs entre cette idée et ce qui n'est pas cette idée (dans le cas contraire, cette même idée serait infinie et nous serions en fait incapables de nous la figurer : notre mental, notre cerveau ou notre esprit ne pourrait embrasser l'entièreté de son existence et nous ne pourrions la formuler ni la nommer).

Se figurer une chose, et a fortiori la nommer, implique de la réduire à ce qu’elle apparaît avoir de totalement différencié : son identité propre. Ce faisant, elle est imparfaitement définie car l’action d’identification isole l’objet et transgresse de ce fait le principe de coexistence. C’est cependant la seule façon de symboliser le monde qui nous entoure afin de communiquer entre nous, il convient donc en s’y adonnant de ne pas oublier son irrémédiable imperfection.

À ce propos, si nous avons vu dans l’article précédent que l'expression fractale du monde permet de symboliser des notions universelles, il ne faudrait pas commettre l'erreur de la considérer comme parfaite. Elle a simplement le potentiel d'être plus exacte, plus proche de la vérité que les autres approches lorsqu’il n’y a pas de contexte défini. Elle offre aussi l'avantage de pouvoir être déterminée à partir de n'importe quel contexte pour peu qu’on parvienne à identifier ce qui transcende ce dernier en le comparant à d’autres contextes (plus petits, plus grands ou simplement différents). Mais elle demeure, malgré tout, une approximation, du fait de sa nature d'expression et, dans la pratique, elle est extrêmement difficile, car elle suppose d’être valide dans tous les contextes, ce qui génère nécessairement des lois assez peu nombreuses.

Aussi, il apparaît important de proposer ici une résolution à un débat philosophique fréquent qui consiste à vouloir expliquer le langage par le langage. Typiquement, lorsque l'on demande par exemple "Qu'est-ce que le bonheur ?", on souhaite d'abord s'attarder sur la notion d'être, ou la notion d'interrogation et l'on désire la définir avec de nouveaux mots qui eux-mêmes pourront être soumis à examen.

Cette approche est en effet obligatoirement aporétique car il s'agit ni plus ni moins d'une tautologie : un interminable raisonnement qui boucle sur lui-même du fait que ses composants sont à la fois dans la question et la réponse. Il ne peut donc y avoir de réponse définitive au langage par le langage.

Cela s'explique parce que la plus petite réduction de compréhension mutuelle entre deux êtres sensibles est antécédente et transcendante au langage (on pourrait dire pré-symbolique) et ne peut reposer que sur un sentiment partagé d'expérimenter la même chose, qui n'est cependant jamais parfaitement exprimable. Le reste n'est que constructions autour de ce sentiment originel, notamment dans une optique d'efficacité pratique et de désambiguïsation. Ces constructions seront d'ailleurs dépendantes des contextes et notamment des peuples et de leur histoire.

La philosophie, pas plus que la mathématique, ne peuvent ainsi réussir par elles-mêmes à résoudre le problème que pose l'explication de leurs propres modalités d'expression. Elles sont ainsi parce que nous sommes intuitivement satisfaits qu'elles soient ainsi pour communiquer entre nous et comprendre le monde. La diversité humaine de ce sentiment de satisfaction explique d’ailleurs pourquoi il existe des cultures humaines si différentes dans leur manière de symboliser le monde même si, puisque nous vivons dans la même réalité, nous partageons aussi des symbolisations communes.

À ce propos, là encore, la diversité intérieure des êtres pourra donner lieu à des disparités quant à la variété des expériences vécues et les intuitions afférentes qu'elles soient bel et bien partagées par autrui. Cette diversité motivera donc plus ou moins la recherche de modes d'expression élaborés, à commencer par le langage oral et gestuel.

Par ailleurs, le principe même de ces méthodes de symbolisation est de chercher à expliquer le monde en extrayant de ce dernier des éléments récurrents que l’on appelle des concepts. Je vais approfondir ce sujet à l’article suivant.