La nature humaine

Nature humaine

Avant de présenter mes analyses sur la nature humaine et les implications qu'elle engendre, je souhaite m'attarder sur la notion même d'humanité pour essayer de déterminer son particularisme, ce que l'on pourrait appeler "l'essence humaine".

Les humains sont-ils différents des autres être réels ? Sont-ils différents des autres animaux ?

Il est de coutume de mettre en avant la conscience, le rire ou l'humour comme critères extrayant l'humanité de l'animalité, cela est incorrect.

Tout d'abord, les animaux ont une conscience, peut-être plus limitée que celle des humains mais ils sont capables de reconnaître leur environnement, leurs proches et pour certains leur propre existence individuelle.

Certains animaux rient, du moins c'est ce qu'il apparaît des rats et de la façon dont ils réagissent à ce qui s'apparente à des chatouilles.

L'humour est par ailleurs si intimement lié à la sphère culturelle qu'il est impossible de formellement conclure sur son absence au sein d'une espèce, sans parler du fait que de nombreux témoignages de personnes consacrant un temps certain auprès d'animaux rapportent ce qui semble être des blagues de leur part.

En tout état de cause, ces propositions de distinction entre l'humanité et le reste du cosmos me semblent trop fragiles pour être validées.

Si l'humanité est spécifique, laquelle de ses dimensions lui conférerait cette spécialité ? En d'autres termes, quelle est son identité ?

Tout d'abord, acceptons que l'humanité ait une dimension animale, car c'est le cas, et de façon criante. Nous présentons des éléments biologiques et comportementaux partagés par de nombreux autres animaux comme notre physiologie, notre anatomie ou notre bisexuation. Cette dimension animale présente d'ailleurs un aspect humain typique, si l'on s'en tient uniquement à une analyse biologique (bien que cela puisse parfois arriver sporadiquement, on ne saurait confondre en permanence les êtres humains avec des chimpanzés). Je ne remets pas du tout en question cette réalité.

Cependant, nous ne semblons pas uniquement animaux au sens où certains de nos comportements apparaissent tout de même hyper typiques : nous sommes capables d'érotisme, de lubies créatives, de recherches aventureuses et ce faisant, nous n'hésitons pas à y risquer notre vie, parfois pour des raisons qui paraissent insensées ou ridicules.

Là où la nature semble simplement chercher à se reproduire elle-même à l'infini en suivant des règles d'équilibrage permanent, l'humanité consacre une énergie importante à des choses qui ne semblent pas lui profiter en ce sens. Elle paraît même capable d'aller directement à l'encontre des principes spontanés de la nature, jusqu'à la détruire parfois et se détruire elle-même. Si des phénomènes similaires s'observent chez certaines espèces vivantes en cas de déséquilibres écologiques (espèces invasives, par exemple), ils demeurent l'expression d'une dynamique naturelle de survie. Chez l'être humain, cela n'est pas toujours le cas et ce dernier peut consacrer énormément d'énergie à des activités injustifiables d'un point de vue naturel (les exploits sportifs par exemple).

Cette capacité très remarquable à suivre ou non des règles basiques de survie ainsi qu'à manifester des essences de façon radicale pose une question particulière : l'humanité est-elle libre de choisir ce qu'elle souhaite manifester ?

Lorsque nous constatons qu'un homme bat le record du monde d'apnée statique en dépassant les dix minutes immergé, quitte à risquer sa santé et sa vie, quelle explication rationnelle pouvons-nous y opposer ? Quel intérêt autre que celui de manifester l'essence de l'apnée statique justifie un tel acte ?

L'argument fréquent de la recherche de statut social par reconnaissance de capacités exceptionnelles ne tient pas devant de tels risques, notamment parce que certains d'entre eux sont pris à l'écart du monde social et ne montrent pas le moindre objectif de notoriété.

J'ai expliqué plus tôt dans mes articles que pour reconnaître l'existence de quelque chose, il est nécessaire de détenir simultanément en soi ce qui est cette chose et ce qui ne l'est pas. Cela signifie que le simple fait que nous nous posions cette question de la liberté de choix implique que cette dernière existe en nous et n'existe pas en nous. En d'autres termes, l'humanité est à la fois soumise à des déterminismes sur lesquels elle n'a aucune prise et dispose d'espaces de liberté au sein desquels elle peut effectuer de véritables choix.

Une autre possibilité serait que notre interprétation de la notion de choix soit erronée et se fonde sur une stimulation extérieure qui est en réalité autre chose. Ici, seules la science et la philosophie peuvent espérer répondre à cette question de façon articulée (hors expérience transcendantale), si jamais cela est possible. Je n'ai personnellement qu'un sentiment sur ce sujet et non de démonstration fatale à proposer.

Certaines personnes estiment par exemple qu'il ne peut y avoir de choix possible puisque nous sommes nous-mêmes les maillons d'une chaîne infinie de causes et de conséquences au sein desquelles nous ne sommes que des transmetteurs et non des acteurs. En d'autres termes, notre influence sur le monde est prédéterminée à jamais.

La seule autre théorie qui me semble philosophiquement acceptable, et qui inclurait la possibilité de la liberté sans ruiner des notions précédemment expliquées telles que la conservation des forces et le fait que toute tendance possède son négatif (de sorte que la somme des forces est toujours égale à zéro), est celle qui propose une réalité composée d'embranchements potentiels.

En effet, faire un choix demande l'existence simultanée de ne pas avoir fait ce choix (dans le cas contraire, nous décririons le cas numéro un, à savoir l'absence réelle de choix). Cela signifie qu'à chaque fois que nous faisons un choix (individuel ou collectif, peu importe), nous générons automatiquement une réalité alternative où ce choix n'a pas été fait.

Dans cette vision, il doit exister au moins deux chemins possibles pour que le principe d'équilibre cosmique soit respecté mais à l'heure actuelle, nous n'avons pas encore pu démontrer avec certitude cette théorie (dans le cadre scientifique, nous en sommes encore au point de la spéculation).

D'autres être vivants du cosmos ont-ils aussi cette capacité de choix ? Il est impossible de trancher cette question de façon définitive pour le moment mais il apparaît indubitable que l'humanité est empiriquement la seule à être capable de manifester des essences à la fois aussi diverses et aussi pures dans le cadre de nos observations, même si cette diversité et cette pureté sont inégalement réparties au sein de l'humanité, comme nous le verrons ensuite.

Cependant, cette affirmation ne serait-elle pas directement dépendante du fait que nous sommes sur ce point à la fois juge et parti ? En d'autres termes, ne serait-ce pas le principe d'observation qui nous conduit à nous observer nous-mêmes comme particuliers ?

J'aimerais introduire ici les termes de maximalité et de minimalité afin de borner les capacités d'expérience des êtres. En cela, il devient évident qu'un être expérimentant ne peut se figurer de maximalité supérieure à la sienne ou de minimalité inférieure à la sienne. Il devient donc automatiquement la mesure de toutes choses et, dans l'espace-temps créé par ses propres limites (par son propre contexte), selon son regard, il pourra observer des dimensions de lui-même inférieures et supérieures à d'autres en termes d'universalité et de particularité.

Cela déforme nécessairement ce que nous pensons de nous-mêmes. Cependant, c'est oublier une chose : le principe de coexistence. En effet, si l'humanité est une réalité spécifique, elle n'est pas pour autant séparée du reste de l'univers.

Ainsi, comment expliquer l'idée de dualité primordiale que j'ai définie plus tôt ? La supposée propriété éternelle des essences ? Le concept d'essence des essences qu'est le principe essentiel ? Ces notions que j'ai été capable de formuler semblent plus vastes que ce que l'humain est à même de manifester au monde.

Tout d'abord, cela n'est pas tout à fait vrai, comme nous allons le voir dans les prochains articles, mais aussi, il est important de se rappeler qu'entre les limites de notre esprit et celles de notre corps (notre forme manifestée) se trouvent des potentiels, et qu'il est impossible de définitivement trancher sur leur caractère accessible ou inaccessible.

Si je souhaite voyager dans le temps, cela demeurera-t-il un désir à tout jamais impossible à assouvir ? Nul ne peut répondre définitivement à cette question et il est évident que si nous présentions l'humanité d'aujourd'hui à celle d'il y a trois siècles, bien des choses paraîtraient telles à des prodiges ou des impossibilités.

Cette idée amène censément l'une des questions théologiques les plus importantes : l'humain est-il capable de devenir Dieu ? La réponse est : peut-être. S'il a pu se figurer une idée de Dieu, alors il peut théoriquement le devenir et, par le fait même, cesser d'être humain.

Cette idée de potentialité indexée sur ce que peut se figurer l'esprit est très importante à retenir car elle aide à comprendre certaines trajectoires de vie des êtres sensibles et peut aussi servir d'appui à une infinité de créations et d'innovations. Ces réalisations demeureront cependant nécessairement des versions imparfaites des essences que l'esprit conçoit, comme expliqué précédemment.

Ainsi, il n'est pas impossible que ce qui observe et s'exprime au travers de notre humanité n'est pas typiquement humain, simplement un élément de notre humanité, par ailleurs concernée par des mécanismes animaux, végétaux et minéraux. Cela signifie que, dans nos expériences du monde, en fonction de la part de nous-mêmes (typiquement humaine ou non) que nous sollicitions, nous pourrions constater des faits différents et aboutir à des conclusions plus ou moins complètes.

C'est certainement ce qui peut conduire des êtres humains à conclure qu'ils sont un élément de l'univers expérimentant ce dernier et d'autres êtres humains à affirmer que c’est leur esprit qui manifeste tous les éléments du monde en interaction. Cette dichotomie, que j'ai déjà présentée plus tôt dans mon article sur la nature de l'expérience, peut ainsi se résoudre en postulant que le contexte de base n'est tout simplement pas le même : la première proposition embrasse l'idée d'humanité en Dieu tandis que la seconde embrasse l'idée de Dieu en l’humanité. Les deux idées ne sont donc pas irréconciliables, elles ne parlent simplement pas de la même chose.

Mais revenons un instant sur cette idée de liberté. Ici, j'ai dit que le simple fait de se poser la question à son sujet témoigne à la fois de son existence et de son inexistence en notre sein. En admettant qu'il ne s'agisse pas d'une erreur d'interprétation, cela n'invalide pas pour autant le fait, très documenté scientifiquement, que nous sommes soumis à des déterminismes hors de notre contrôle (dans des proportions variables selon les individus), cela signifie simplement que ces déterminismes ne sont peut-être pas les seuls maîtres à bord.

Au cas où l'on admet notre possibilité de choix, s'ouvrent alors à nous deux possibilités : soit nous expérimentons bel et bien une forme de liberté (générant possiblement des réalités alternatives), soit nous en avons le potentiel mais il n'est pas exprimé (idée souvent présente dans l'art et dans certaines religions).

Ces diverses conclusions n'excluent par ailleurs pas la possibilité que des êtres observants différents les incarnent simultanément, signifiant que certains d'entre eux détiendraient une forme de liberté et les autres non. Les seconds seraient donc incapables de la reconnaître chez les premiers tandis que les premiers seraient capables d'en reconnaître l'absence chez les seconds. En cela, les querelles dialectiques sur ce sujet ne pourraient être en réalité que des conclusions hâtives partant du principe qu'autrui est nécessairement soumis au même traitement que soi-même, alors que ce n'est pas le cas.

L'humain est donc un animal biologiquement déterminé ayant possiblement la capacité de faire des choix réels, bien que cette capacité ne soit pas nécessairement présente chez tous les êtres humains simultanément. L'accomplissement d'un choix a par ailleurs des répercussions nécessaires telles que la génération de réalités alternatives ou d'autres manifestations dont j’ignore la teneur mais qui devront respecter le principe d'équilibre cosmique (ensemble des forces égal à zéro).

À noter que la théorie des réalités alternatives propose la possibilité d'expérimenter des choix mais ne permet pas de renoncer à l'un d'entre eux, puisque, d'une façon ou d'une autre, une autre version de nous-mêmes optera pour le ou les chemins que nous n'avons pas choisis. Ici, c'est donc l'une des occurrences de notre existence qui fait un choix, et non notre existence dans son sens total (multidimensionnel).