Fractalité et contextes


Il est possible de déduire une chose fondamentale de mon article précédent : peu importe l’élément réel considéré, il présentera au moins une similitude avec tout autre élément réel.
C’est ce que l’on peut appeler la nature fractale de la réalité. Sur au moins un point, ce qui concerne l’immense concerne le minuscule, ce qui concerne le lointain concerne le proche, ce qui concerne nos souvenirs concerne notre présent et notre futur, etc. Et ce principe se répercute à l'ensemble de nos observations, ce qui veut dire qu'un même élément que nous disséquerions indéfiniment respectera cette loi autant que ses propres composants, fussent-ils infinitésimaux.
Ainsi, tout ce qui est à portée de notre expérience est en réalité un ensemble unitaire polymorphe, y compris ce que nous pourrions identifier comme des éléments de conception, des lois, qui ne sont pas des formes à proprement parler mais des principes à l'origine des formes, ce que j’expliquerai dans un prochain article.
Cette application dissective est d'ailleurs une excellente méthode pour distinguer les lois universelles des lois particulières et elle permet de réaliser des contextualisations de type concentrique, allant des caractéristiques les plus générales aux caractéristiques les plus spécifiques. On peut prendre ici pour exemple la médecine holistique qui va d'abord considérer le principe de vie des patients, puis leur humanité et l'ère historique dans laquelle se trouve cette humanité, puis leur ethnie, puis leur famille, puis leur individualité et enfin le moment de leur vie où ils se trouvent (leur âge), le moment de l'année et le moment de la journée. Il serait en fait possible de préciser à l'infini sous forme fractale ces considérations mais la pratique tend à délimiter tôt ou tard les notions pour ne pas sombrer dans l'hyperspécialisation, qui tend à perdre de sa pertinence à mesure qu'elle s'exagère.
Il faut cependant préciser que ces lois que j’ai appelées particulières sont en réalité des combinaisons spécifiques des lois universelles et non des lois autonomes par elles-mêmes. En effet, le principe de fractalité s'exprimant à toutes les échelles, il n'en est aucune que l'on puisse à la fois observer au sein de notre réalité et qui pourrait en même temps disposer de principes introuvables par ailleurs car cela créerait de fait un paradoxe entre le fait même d'observation et le fait d'étrangéité totale entre deux choses (rupture du principe de coexistence).
Aussi, l'existence à toutes les échelles possibles de principes identiques, bien que combinés de façon variable (phénomène que j’expliquerai aussi dans un prochain article), implique qu'il est impossible de trouver une limite définitive à la réalité, même en incluant l'idée d'existences hors de notre perception. En effet, si la réalité possédait une limite définitive, celle-ci aurait dû être observée depuis longtemps à toutes les échelles, et alors le principe même d'espace-temps n'aurait pas eu le loisir d'exister. Le fait qu'il puisse y avoir une expérience persistante, fusse-t-elle d'une milliseconde, suppose alors que la réalité elle-même possède une persistance à l'infini et non pas parce que l'un de ses contextes est infini (ce qui serait une approximation mathématique tout au mieux) mais parce qu'elle possède une infinité de contextes. Car l'infini est la seule solution de l'équation de l'existence, toute autre réponse engendrant automatiquement une contradiction à tous les niveaux, une impossibilité logique de concilier à la fois des contextes d'existence absolue et d'inexistence absolue. Identifier la réalité comme le déploiement infini d'un fractal contenant les deux principes simultanément (présence et absence) est la seule manière de conserver une cohérence logique au regard de nos observations.
Ainsi, toute mesure ou définition délimitée ne peut avoir de sens que soumise à un contexte, tandis que tout phénomène universel ne peut être exprimé qu'en termes de dynamiques fractales infinies. La réalité dans sa totalité n'a donc ni commencement, ni fin, ni centre, ni extrémités. Elle a cependant une forme et donc une nature. Il est simplement nécessaire de considérer nos observations comme des photographies partielles d'un ensemble infini qui renferment néanmoins toutes les caractéristiques de cet ensemble, puisque ce dernier est structuré de manière fractale.
Il est important à ce propos de ne pas entendre cette nature fractale comme une dynamique qui se devrait nécessairement d’être linéaire. À l’instar des quanta électroniques, de certaines conformations moléculaires ou des équilibres ponctués en biologie évolutionniste, on observe dans la nature, en plus de phénomènes linéaires, des phénomènes de paliers où les formes non seulement se stabilisent mais possèdent en elles-mêmes des mécanismes de stabilisation. Dans ce cadre, l’énergie reçue par un système ne sera à même de modifier radicalement celui-ci qu’à partir d’une certaine quantité, d’un certain seuil, et cette modification s’opérera sous la forme d’une accélération relative son évolution, donnant lieu ensuite à une nouvelle forme stabilisée. On peut parler ici de discontinuité des équilibres systémiques.
Cela nous invite, et j’y reviendrai dans un autre article, à penser la fractalité du monde selon deux lectures possibles :
la fractalité du monde peut se manifester de façon continue et discontinue
la fractalité du monde est strictement discontinue et c’est la granularité de notre observation qui nous donne parfois l’illusion de la continuité